L’industrie du camionnage fait face à la pire crise de son histoire

SAINT-GERMAIN-DE-GRANTHAM | L’industrie du camionnage fait face à la pire crise de son histoire et aura besoin de 50 000 nouveaux chauffeurs d’ici 2020. C’est pourquoi plusieurs entreprises n’hésitent pas à recruter à l’étranger.

Dans la cour de Transport SGT 2000 à Saint-Germain-de-Grantham, près de Drummondville, une cinquantaine de camions sont stationnés par manque de conducteurs. Cela représente environ un camion sur six qui ne roule pas parce qu’il n’y a personne à asseoir derrière le volant.

« Je refuse une quantité industrielle de travail par manque de chauffeurs », lance Denis Coderre, qui possède plusieurs succursales au Canada et aux États-Unis.

La pénurie freine actuellement toute possibilité de croissance de son entreprise, qui entrevoit que le pire est encore à venir.

« Au cours des prochaines années, ça ne sera vraiment pas drôle », prévoit M. Coderre.

Ce « cancer de l’industrie », comme il dit, touche tous les transporteurs de l’Amérique du Nord, forcés de se priver de 10 % à 15 % de leurs camions, faute de main-d’œuvre.

« Les entreprises traversent une crise comme jamais elles n’en ont vécue », confirme Bernard Boulé, DG de Camo-route, un comité qui s’occupe de la main-d’œuvre dans le transport routier.

 

Moins de profits

En 2015, son organisation a sondé 195 transporteurs du Québec, et déjà plus de la moitié d’entre eux disaient subir des pertes de profits à cause de la pénurie.

Environ une entreprise sur cinq accumulait du retard dans ses livraisons et perdait des clients, même si elle augmentait les heures de travail des camionneurs.

C’est sans parler du mouvement de personnel qui donnerait des maux de tête aux transporteurs.

SGT 2000 figure parmi les premières à s’être tournées vers les chauffeurs des quatre coins du globe pour faire rouler ses camions. À ce jour, plus d’une cinquantaine ont été recrutés sur tous les continents.

« Ce sont des conducteurs qui ont de l’expérience », fait valoir Jean-Pierre Rabbath, responsable du recrutement à l’international chez SGT 2000.

Pour plusieurs, le permis de travail temporaire représente une porte d’entrée convoitée en Amérique du Nord. Environ un camionneur étranger sur deux est resté à l’emploi de SGT 2000, une fois le contrat terminé.

M. Rabbath les encourage à devenir résidents permanents, malgré les embûches qu’il juge inutiles, à l’immigration.

« Un Français de France doit payer 400 $ pour un examen de langue française afin d’obtenir la confirmation qu’il parle français », illustre-t-il.

Camionneurs « chouchoutés »

Certains ont été refusés parce qu’ils étaient trop âgés ou qu’ils n’avaient pas terminé leurs études secondaires, malgré l’assurance d’un emploi.

« Ces gens-là ne sont pas un fardeau pour le système… au contraire », plaide-t-il.

Les chauffeurs québécois sont aussi très courtisés. Des bonis sont offerts aux recrues et des étudiants sont parrainés par un transporteur dès le début de leur formation, etc.

« Ça joue dur entre les entreprises pour attirer les camionneurs », admet M. Coderre.

Son mot d’ordre est de chouchouter ses camionneurs, en respectant les préférences de chacun. Au sein de son entreprise, les heures supplémentaires ne sont pas obligatoires. Ceux qui veulent revenir à la maison toutes les fins de semaine le peuvent. Les semaines de trois ou quatre jours sont aussi permises.

« Je respecte les choix et je ne dis pas un mot. Si je perds un chauffeur, je n’ai personne pour le remplacer », dit-il.

Source: JDQ